KLEIN Yves, La spécialisation de la sensibilité à l’état de matière première en sensibilité picturale stabilisée (ou exposition du vide), 1958
Yves KLEIN, La spécialisation de la sensibilité à l’état de matière première en sensibilité picturale stabilisée ou exposition du vide, 28 avril – 12 mai 1958, Galerie Iris Clert, Paris, France
© Succession Yves Klein
« La galerie, dont les murs avaient été repeints en blanc, paraissait absolument vide. Le dispositif global était cependant articulé en deux volets : à l’intérieur régnait la « sensibilité picturale immatérielle », mais à l’extérieur, des rappels de la monochromie avaient été ménagés. L’invitation fut affranchie avec un timbre bleu, évocation des tableaux monochromes que les amateurs d’art avaient pu voir quelques mois auparavant. La vitrine de la petite galerie était peinte en bleu. Le public devait entrer par le portail de l’immeuble, encadré d’une draperie – bleue, bien sûr. Inscrit dans le souvenir, réactivé par sa présence périphérique, le bleu était aussi incorporé : avant qu’ils ne pénètrent à l’intérieur de la galerie, les visiteurs étaient invités à ingérer un cocktail bleu (gin, cointreau et bleu de méthylène). Cette communion préparatoire avec la couleur emblématique de l’artiste, lui-même incarnation de la monochromie, constituait le dernier jalon du parcours propédeutique mis en place. Klein le dit sans aucune ambiguïté : « Ainsi, le bleu tangible et visible sera dehors, à l’extérieur, dans la rue, et, à l’intérieur, ce sera l’immatérialisation du Bleu. » La galerie, habitée par un « état pictural invisible mais présent », n’était donc nullement « vide », en dépit des apparences. »
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En mai 1957, Yves Klein propose une première exposition « vide » dans un projet intitulé « Propositions monochromes » chez Colette Allendy. L’étage de la galerie – complétant l’exposition du rez-de-chaussée – ne montre rien : il a été laissé vierge pour présenter des « surfaces et blocs » de sensibilité picturale et des « intentions picturales ». En avril 1958, il réitère avec « la Spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée » chez Iris Clert. Pour l’occasion, l’entrée de la galerie se faisait par le hall de l’immeuble, les visiteurs devaient passer sous une tenture de drap bleu qui encadrait la porte. Les fenêtres de la galerie et une vitrine à l’intérieur avaient été légèrement opacifiées en bleu. Lors du vernissage, un cocktail bleu (gin, cointreau et bleu de méthylène) était servi et l’entrée se faisait entre deux gardes républicains. Il y avait un projet concomitant d’illumination de l’obélisque de la place de la Concorde. Il s’agissait de proposer une immatérialisation du bleu . Yves Klein voyait cette exposition comme un monochrome à l’échelle de la galerie – il s’était enfermé seul dans la galerie pendant quarante-huit heures, pour la repeindre en blanc, pour l’imprégner de sa « présence en action ». Pierre Restany parlait « d’exposition du vide », et était suivi par les journaux qui évoquaient une « révolution par le vide ». Klein s’en est défendu fermement – au moins jusqu’en 1960, date à laquelle il abdique et redirige son discours sur la question du vide. »
DESMET Nathalie, « L’Art de faire le vide. L’exposition comme dispositif de disparition de l’œuvre », Nouvelle revue d’esthétique, 2011/2 (n °8), p. 40-49. DOI : 10.3917/nre.008.0040. URL : https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2011-2-page-40.htm
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