KENTRIDGE William, More Sweetly Play the Dance, 2015

© William KENTRIDGE, courtesy Marian Goodman Gallery
William KENTRIDGE, More Sweetly Play the Dance (détail), 2015, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte–voix, vue de l’oeuvre durant l’exposition « Afriques Capitales » à la Grande Halle de la Villette, Paris, 2017.
© William KENTRIDGE © Fred Romero (photographie sous Licence CC BY 2.0 )
William KENTRIDGE, More Sweetly Play the Dance (détail), 2015, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte–voix. Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.
© William KENTRIDGE © Jean-Pierre Dalbéra (photographie retouchée – chromie et contraste – sous Licence CC BY 2.0 )
William KENTRIDGE, More Sweetly Play the Dance, détail, 2015, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte–voix, vue de l’installation au Zeitz MOCAA, Le Cap, Afrique du sud.
© William KENTRIDGE © Esther Westerveld (photographie sous Licence CC BY 2.0 )
William KENTRIDGE, More Sweetly Play the Dance (détail), 2015, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte–voix, vue de l’oeuvre durant l’exposition « Afriques Capitales » à la Grande Halle de la Villette, Paris, 2017.
© William KENTRIDGE © Fred Romero (photographie sous Licence CC BY 2.0 )
« Il s’agit là d’une des installations les plus célèbres de l’artiste, le fruit d’un travail collaboratif impliquant des musiciens, des danseurs, des interprètes. Elle a été réalisée en 2015, alors que la pandémie d’Ebola dévastait l’Afrique. «C’est une danse contre la mort, une danse de la mort, un thème pourtant européen, mais qui a un écho très fort à Johannesbourg», explique William Kentridge. On se laisse emporter sans aucun mal dans cette grande parade, faisant glisser son œil d’un écran à l’autre, tentant de saisir ici et là l’un ou l’autre détail, s’émerveillant devant la maîtrise technique de l’artiste faussement rudimentaire, tout en se laissant porter par la danse, le tumulte et le déséquilibre. »
https://paperjam.lu/article/oeuvre-au-noir-si-lumineuse-wi?index=1
« More Sweetly Play the Dance, de l’artiste sud-africain William Kentridge, encercle les spectateurs dans une parade de personnages apparemment sans fin. Véritable procession dansante de dessins animés et de vidéos, la frise longue de 35 mètres d’images et de son en mouvement nous invite à entrer dans une danse macabre tout en nous donnant l’occasion de réfléchir aux notions d’injustice et d’inhumanité. »
Analyse de l’oeuvre en anglais : rapport œuvre / spectateur, théâtre d’ombres, lien avec l’univers des jeux vidéos, moyens informatiques…) :
Analyse (danse macabre…) :
Analyse : installation immersive, œuvre monumentale, musique, performance, dessin, fusain, collage, photographie en séquence, image animée, procession, silhouettes, contre-jour, pensée associative, flux des réfugiés, exil, survie) :
https://www.cnap.fr/more-sweetly-play-dance-william-kentridge
Analyse de l’œuvre (cf. à partir de 5’25 – danse, animation, épidémie, musique, fanfare…) :
Captation vidéo de l’oeuvre au Louisiana Museum of Modern Art, Humlebæk, Danemark :
https://www.youtube.com/watch?v=SiVsIWwvcg8
Dimension sonore et évolution de l’œuvre pour sa partie sonore (spatialisation du son) :
https://www.soundlightup.com/flash-and-news/more-sweetly-play-the-dance-de-william-kentridge.html
Analyse de l’œuvre et en particulier de certains choix plastiques par l’artiste (vidéo en anglais avec la possibilité d’activer les sous-titres puis une traduction instantanée) :
Cette œuvre fait référence par son titre à un poème de Paul Célan intitulé « Todesfuge » [« Fugue de la mort« ] écrit en 1945 et publié en allemand en 1948 dans Le Sable des urnes. Ce poème évoque l’Holocauste et comporte la première strophe suivante dont le dernier vers a inspiré Kentridge pour intituler son œuvre :
Lait noir du petit jour nous le buvons le soir
nous le buvons midi et matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons une tombe dans les airs on y couche à son aise
Un homme habite la maison qui joue avec les serpents qui écrit
qui écrit quand il fait sombre sur l’Allemagne tes cheveux d’or Margarete
il écrit cela et va à sa porte et les étoiles fulminent il siffle pour appeler ses chiens
il siffle pour rappeler ses Juifs et fait creuser une tombe dans la terre
il nous ordonne jouez maintenant qu’on y danse
Source : https://www.poemes.co/fugue-de-mort.html
Pour aller plus loin :
« À l’origine, ce poème s’intitulait Tango de mort, titre sous lequel il parut en traduction […] »
https://www.une-vie-de-setter.com/2021/04/todesfuge-paul-celan.html
« William Kentridge développe ici l’idée du soulèvement, des damnés de la terre qui se révoltent contre tous leurs oppresseurs, dans une ambiance qui reste enjouée
» Yves-Marie Guivarch
Expression du corps : « Quand j’étais à l’école de théâtre à Paris […] Ce qui restait était l’expression du corps. Cela permettait de distinguer clairement ce que l’on pensait exprimer et ce que le corps montrait » William Kentridge
https://www.musee-lam.fr/sites/default/files/2020-07/WK-GVis-PROLONG-FR-pap.pdf
« Le motif de la procession, hérité des frises et des cortèges antiques, est très présent dans le travail de William Kentridge. Il lui offre le moyen de juxtaposer des figures et des événements puisés dans des histoires individuelles, mais aussi dans la grande Histoire, collective celle-là, et écrite du point de vue
des vainqueurs. A travers le télescopage d’images provenant de sources diverses, Kentridge met sur un même plan des éléments épars. Il en résulte un nouveau récit, ouvert à d’autres interprétations, qui rend visible ce que l’histoire officielle a voulu cacher et oublier. »
https://www.musee-lam.fr/sites/default/files/2020-07/WK-GVis-PROLONG-FR-pap.pdf
« L’image de la procession remonte à Goya et à ses peintures de processions. Elle remonte plus récemment à des photographies de réfugiés fuyant le Rwanda, allant du nord vers le sud du Soudan. […] L’image d’un cortège de personnes tirant ou portant leurs bagages est à la fois une image contemporaine et immédiate, profondément ancrée dans nos esprits. » William Kentridge
https://www.musee-lam.fr/sites/default/files/2020-07/WK-GVis-PROLONG-FR-pap.pdf
« Une bande hétéroclite de silhouettes anonymes à taille humaine marche, danse, titube et se traîne à travers la pièce, d’un écran à l’autre, s’avançant devant un paysage dévasté, égratigné et sali de l’encre indienne de William Kentridge. Certains, malades, avancent lentement appuyés sur leur perfusion. D’aucuns traînent des ballots, des cadavres, des chariots où pérorent des hommes politiques aux allures de Chaplin dans Le Dictateur. D’autres crient dans de volumineux porte–voix, agitent des drapeaux, hissent les visages de héros connus et inconnus, chinois et romains, à la manière de manifestations sociales. On y voit aussi des musiciens et des prêtres guillerets qui se déplacent en portant des couronnes mortuaires, rappelant des images de processions funéraires. Des squelettes dansants évoquent, enfin, une danse macabre médiévale. »
https://www.cnap.fr/more-sweetly-play-dance-william-kentridge
« On y devine les racines sud-africaines de l’artiste, le temps passé entre Paris et Pékin. Certaines références visuelles s’affirment : la Longue Marche de l’Armée rouge chinoise, les convois funèbres à la Nouvelle Orléans, la célébration du Jour des Morts au Mexique… Mais la procession de silhouettes au bord de l’effondrement sous le poids des bagages, marchant en direction d’un futur incertain, fait aussi et surtout référence aux flux et traversées des réfugiés. Les réfugiés de toutes origines, de tous temps. À commencer par les images diffusées de nos jours dans les médias représentant des groupes toujours plus nombreux contraints à l’exil suite à des conflits armés. Marchant pour leur survie. »
https://www.cnap.fr/more-sweetly-play-dance-william-kentridge
« À la fin des années 1980, William Kentridge invente une technique cinématographique qu’il appelle « l’animation du pauvre ». Ce procédé consiste à réaliser un dessin, à en retravailler certaines parties (en ajoutant ou en effaçant des éléments), et à filmer image par image les modifications apportées. En résulte un petit film d’animation, qui est l’unique dépositaire des différentes étapes de l’évolution du dessin. Ce dernier, quant à lui, se résume à une feuille unique sur laquelle apparaît la dernière version de l’image maintes fois modifiée. Peu de moyens sont nécessaires : une feuille, du fusain, un chiffon, et une caméra. Le film produit est en revanche d’une grande richesse poétique. »
https://www.musee-lam.fr/sites/default/files/2020-07/WK-GVis-PROLONG-FR-pap.pdf
« [Kentridge] utilise des animations informatiques, en plus des techniques classiques de l’enseigne, de la photographie et du cinéma. Dans le cas de More Sweetly Play the Dance, un programme issu de la technologie des jeux informatiques et capable de détecter les mouvements a été utilisé. Cela a donné lieu, par exemple, à la danse de la mort des squelettes animés. »
Influences :
Le dadaïsme :
« L’influence de Dada sur l’œuvre de William Kentridge est essentielle. Mouvement subversif né à Zurich en 1916, Dada a fait de l‘abolition de toute hiérarchie entre les arts un principe esthétique et politique. De Dada, Kentridge reprend le vocabulaire, fait de paradoxes, de non-sens et d’humour, mais aussi le langage formel qui repose sur une esthétique du fragment et de la cacophonie visuelle et sonore.
De même que Dada est né de la contestation de la Première Guerre mondiale, Kentridge met en scène l‘absurdité du monde contemporain. »
https://www.musee-lam.fr/sites/default/files/2020-07/WK-GVis-PROLONG-FR-pap.pdf
« Les techniques employées par les avant-gardes européennes se retrouvent dans son travail telles que le montage, le bricolage, la libre appropriation, mais jamais comme la poursuite d’un modèle canonique ou du rappel nostalgique d’un motif. » Andreas Huyssen
Andreas Huyssen, « The Shadow Play as Medium of Memory » in Rosalind E. Krauss et Al., William Kentridge (October Files, volume 21), 2017, 208 pages, The MIT Press Cambridge, Massachusetts Londres, Angleterre (p. 78, traduction d’un texte consacré au travail de William Kentridge)
Influences également de Francisco Goya, Georg Grosz, Otto Dix, Max Beckmann, le cinéma de Georges Méliès…
Rapprochements possibles avec d’autres oeuvres (certaines notions communes) :
Christian BOLTANSKI, Théâtre d’ombres, 1984-1997 : https://artborescence.ac-amiens.fr/2021/03/20/christian-boltanski/
« […] la projection donne l’impression que l’œuvre serait une gravure sur bois animée – presque entièrement en noir et blanc. L’artiste dessine à la main les silhouettes des objets avec quelques traits d’encre, les projette ensuite sur de grandes feuilles de papier et les agrandit, les déchire et les découpe et les monte sur du carton.
En raison de l’éclairage de la procession, les vrais interprètes et acteurs ressemblent également à des figures d’ombre – la couleur n’est utilisée qu’à quelques endroits importants, par exemple sur le drapeau rouge.
L’artiste utilise ainsi le médium du théâtre d’ombres, venu d’Asie en Europe au XVIIIe siècle et qui était également d’une grande importance pour le cinéma. De plus, William Kentridge fait lui-même référence à l’Allégorie de la caverne de Platon. »
https://zkm.de/en/magazine/%5Bnode%3Ablog-post-date%3Avalue%3Acustom%3AY%5D/%5Bnode%3Ablog-post-date%3Avalue%3Acustom%3Am%5D/william-kentridge-more-sweetly-play-the-dance
« Dans ses œuvres, Kentridge superpose souvent divers médiums tels que le dessin, les silhouettes, le théâtre d’ombres, la danse, le théâtre, la musique, le collage, le film et la projection. »
https://zkm.de/en/magazine/%5Bnode%3Ablog-post-date%3Avalue%3Acustom%3AY%5D/%5Bnode%3Ablog-post-date%3Avalue%3Acustom%3Am%5D/william-kentridge-more-sweetly-play-the-dance
« D’une certaine manière, le spectateur doit comprendre lui-même le motif de la procession. Compte tenu de l’énorme largeur de l’image panoramique, il doit se déplacer et choisir à plusieurs reprises de nouveaux angles de vue. Il n’est pas possible de tout voir à la fois. Ainsi, considérant que l’œuvre de William Kentridge a une dimension temporelle et requiert une perception active – le spectateur devient partie intégrante du cortège. »
« La composition de cette œuvre monumentale, loin de se constituer en énoncé déclaratif, sollicite la pensée associative – caractéristique du travail de William Kentridge – et le ressenti du spectateur, et se distingue ainsi par son grand pouvoir évocateur. «
https://www.cnap.fr/more-sweetly-play-dance-william-kentridge
Questions préalables à la construction d’une problématique :
Comment une œuvre permet-elle d’engager une réflexion sur l’homme ? Comment une œuvre peut-elle mettre en avant les libertés humaines et la résistance face à l’oppression ? Comment une intention artistique peut-elle s’affirmer par la mise en scène d’images ? La mise en scène des images permet-elle d’engager une réflexion sur la relation entre image et pouvoir ? Comment une intention artistique peut-elle s’affirmer à travers une hybridation des moyens engagés (moyens / médiums, images, époques, idées…) ? Comment une œuvre peut-elle proposer une expérience sensible complexe ? Comment une œuvre peut-elle mettre le spectaculaire au service d’une dénonciation des souffrances humaines ?
Problématiques :
En quoi un artiste peut-il remettre en cause la délimitation entre l’espace de l’œuvre et l’espace du spectateur ?
> Par sa taille et sa forme englobante et aussi par sa dimension sonore, l’oeuvre implique un déplacement du spectateur (son corps, son regard, son attention) qui ne peut tout appréhender simultanément et qui se retrouve entrainé dans cette procession, en immersion dans l’oeuvre…
En quoi la mise en scène des images peut-elle être à la fois au service d’une visée poétique et politique ?
En quoi la mise en scène des images au sein d’une œuvre peut-elle questionner la relation entre l’espace et le temps ?
En quoi une œuvre peut-elle susciter chez le spectateur une implication intellectuelle et une réception sensible ?
En quoi une œuvre peut-elle dénoncer et mettre en scène les violences et leurs conséquences dans la société ?
Pour aller plus loin :
Modification de la dimension sonore de l’oeuvre (spatialisation du son) depuis 2022 : https://holophonix.xyz/stories/leschampslibres.php
Plan d’installation (sonore) de l’œuvre à Rennes (Champs Libres) en 2022 : https://www.soundlightup.com/wp-content/uploads/2022/09/Plan-SON-de-Pas-Sommeil.jpg