BOURGEOIS Louise, Precious Liquids, 1992

Louise BOURGEOIS, Precious Liquids [Liquides précieux], 1992, bois de cèdre, fer, eau, verre, albâtre, tissu, coussins brodés, vêtement, 427 x 442 cm, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris
© Louise BOURGEOIS © Photographie 1 de Fred Kempfi recadrée, sous licence CC BY-NC-SA 2.0 – Photographie 2 de melina1965, retouchée (luminosité), sous licence CC BY-NC-SA 2.0 – Photographie 3 de Fred Romero sous licence CC BY 2.0
« Dans les années 90, à quatre-vingts ans, Louise Bourgeois se consacre à la réalisation de ces chambres magiques, que sont les Cells. Elle y rassemble des objets qui lui sont très proches et qu’elle investit d’une grande charge émotionnelle. Les Cells sont les lieux où elle déroule la trame de ses souvenirs et de ses affects.
Liquides précieux est une imposante installation cylindrique où le spectateur est invité à entrer. Il s’agit d’un espace sombre et clos, composé d’un réservoir cylindrique d’eau en bois de cèdre, tel qu’on peut en voir sur les toits new-yorkais, et destiné à recueillir les « liquides précieux ».
Ces liquides sont ceux que le corps humain produit quand il est soumis à des émotions comme la peur, la joie, le plaisir, la souffrance. Sang, lait, sperme, larmes sont donc des liquides précieux pour l’artiste qui en orchestre la mise en espace.
Au centre de l’étrange tonneau se trouve un lit ancien en fer entouré de montants qui soutiennent des ballons en verre, tenus de décanter, à travers des tuyaux qui les relient à une flaque d’eau au centre du lit, le liquide qui s’évapore et qui retombera ensuite après sa condensation.
En face, un immense manteau masculin surplombe l’espace, enfermant en son sein un petit vêtement d’enfant avec l’inscription « Merci-Mercy ». De l’autre côté figurent deux boules en caoutchouc et une sculpture ancienne en marbre. L’installation est une œuvre complexe, surdéterminée de sens. Le spectateur est interpellé par cet espace déserté de toute présence humaine et qui pourtant en porte les traces, ce lieu où s’inscrit l’absence, le temps qui passe dans la vétusté du lit et du manteau, la mort peut-être. La curieuse alchimie des liquides et la construction mentale que l’artiste y rattache font de l’espace de l’œuvre un espace du psychisme.
En effet, Louise Bourgeois s’explique quant à la signification des objets y figurant. Le manteau renvoie au père, figure de la répression, le petit habit à la petite fille qu’elle a été, et la dynamique des fluides serait liée aux humeurs de la peur face au père. […] »
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