SAINT PHALLE (de) Niki, La mariée sous l’arbre, 1963-64

Niki de SAINT PHALLE, La mariée sous l’arbre, 1963-64, sculpture, tissu, peinture, jouets, objets divers sur construction en fil de fer, 228 x 200 x 240 cm, Musée d’Art moderne et d’Art contemporain (MAMAC)
© Niki de SAINT PHALLE © Bob R’s Stuff (photographie, sous licence CC BY-NC-ND 2.0)
« En 1963 et 1964, se souvenant de sa mère prisonnière d’un système de valeurs contre lequel elle ne s’était pas révoltée, et alors qu’elle-même fut très tôt épouse et mère, Niki de Saint Phalle conçoit dans l’ancienne Auberge du cheval blanc à Soisy-sur-École, où elle vit avec Jean Tinguely, une série de travaux qui fustigent les différents statuts sociaux de la femme : femme mariée, mère qui accouche, dévoreuse d’enfants, putain ou sorcière… Si certaines de ces représentations font encore corps avec le support-tableau, très rapidement elles prennent leur autonomie et sortent de la surface. Grande poupée triste vêtue d’une robe d’apparat, La Mariée, un bouquet au bras, semble porter le fardeau de son devoir en poussant un cri infini de désespoir. D’innombrables éléments agglutinés dans le plâtre – poupées, baigneurs en plastique écartelés, bouquets de fleurs artificielles, objets de pacotille – donnent une tonalité à la fois grinçante et burlesque au personnage, à travers lequel sont mises à mal la symbolique de la pureté et la vision romantique traditionnellement associées à l’image de la mariée. D’autres éléments lui sont parfois associés : le cheval sur lequel elle monte en amazone (Le Cheval et la mariée , 1963-1964) ou un arbre sous lequel elle s’abandonne au sommeil ( La Mariée sous l’arbre , 1963-1964). Souffrante et pathétique, la figure de la mariée exprime la révolte de l’artiste contre toute forme de règle, de hiérarchie et de tabou et semble annoncer la fin de la domination masculine. » Alice Fleury
Catalogue Collection art contemporain – La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007
« « La période «blanche » de Niki de Saint Phalle commencée avec les Tirs se poursuit avec les Cathédrales, les Monstres (White Gremlin, Gambrinus…) et surtout les Mariées. La symbolique de la pureté mise à mal n’en finit pas d’être criée par de grandes poupées tristes parées de superbes robes d’apparat et qui hurlent infiniment leur désespoir. Les mariées souffrantes repliées sur leur douleur, dansent un menuet macabre, ou se promènent à dos de cheval, chlorotiques « Ophélies » issues d’un Bal de vampires. L’une d’entre elles, la Mariée sous l’arbre, semble s’abandonner au sommeil, écrasée par la chaleur de l’été, sous les frondaisons luxuriantes d’un arbre surchargé de fruits, de fleurs, d’animaux de plastique. Les branches se tordent au-dessus de sa tête, portant à leur extrémité des visages, hydre menaçante. Le contraste entre la surabondance végétale et la fragilité de la silhouette blanche met en évidence le manichéisme de la composition. Mais n’est-ce pas l’Eve éternelle au jardin d’Eden sur laquelle se penche, tentateur et avide le Malin ? » Gilbert Perlein
Gilbert Perlein (Commissaire), Niki de Saint-Phalle : la donation (exposition, Nice, Musée d’art moderne et d’art contemporain, 17 mars-27 octobre 2002), éd. Genève : G. Naef ; Nice : Musée d’art moderne et contemporain, 2002, 351 p.