RIBERA Jusepe de, Grande tête grotesque, vers 1622
Jusepe de RIBERA, Grande tête grotesque, vers 1622, eau forte et burin, 21,5 x 14 cm, Londres, The British Museum.
Jusepe de RIBERA (Oeuvre dans le domaine publique) © The Trustees of the British Museum, photographie recadrée, sous licence CC BY-NC-SA 4.0)
« Pendant symbolique de la Petite tête grotesque […] de 1622, l’estampe de la Grande tête grotesque […], est contemporaine des études anatomiques également gravées, mais avec une signification profondément éloignée […]. Bien qu’inspirée par la réalité — la tête est affectée de goitres thyroïdiens et d’une neurofibromatose —, la gravure ne constitue pas un portrait, mais un type idéal. Comme dans les dessins grotesques de Léonard, la nature est dépassée par l’artifice pour aboutir non à une caricature, où l’élément réel représenterait le pivot de l’altération, mais à une image dans laquelle se combinent différents aspects de la laideur : goitres, verrues poilues, prognathisme. Ribera présente le Laid idéal en contraste volontaire avec le Beau des têtes produites à l’apogée de la Renaissance italienne. Le processus d’idéalisation ironique est exacerbé par le choix de la vue de profil, réponse ludique à la pose noble de la tradition du portrait italien depuis le Quattrocento. L’intention de créer un archétype du ridicule et de le diffuser transparaît dans le choix de la technique de la gravure. Le portrait est un condensé de disgrâce physique, mais aussi morale, ce qui autorise un sentiment « bas » provoquant le rire. La valeur éthique de l’invention peut être mieux comprise en comparaison avec la Petite tête grotesque : si le bandeau dans les cheveux peut identifier le protagoniste en tant que tortionnaire de martyrs, la Grande tête, avec le bonnet phrygien, est aussi un possible flagellateur du Christ. Il s’agirait de deux images idéales de méchants par excellence. «
Viviane FARINA
Annick LEMOINE, Maïté METZ (Direction), RIBERA (Ténèbres et Lumière), 2024, Édition Petit Palais / Paris Musées, page 228