« De prime abord, les Ports de France semblent dépeindre précisément les lieux visités par le peintre, mais à y regarder de plus près, il apparaît que, pour des raisons de propagande royale et pour des raisons esthétiques, Vernet a cru bon de prendre quelques libertés avec la réalité. La nature même de cette commande différencie les Ports de France de la veduta conçue par Canaletto. Contrairement à ce dernier, Vernet a cherché à représenter les ports vus dans leur ensemble. On peut en revanche rapprocher l’œuvre de Vernet de celle du peintre hollandais Van Wittel et plus particulièrement de ses vues de Naples, commande publique également, qui semble devoir répondre à des impératifs semblables. Pourtant seul Vernet semble devoir concilier l’exécution d’un beau sujet et une représentation exhaustive. » Alexandre Cantin
Cantin Alexandre. Les Ports de France (1753-1763) de Joseph Vernet : un regard au service du roi. In: Histoire de l’art, N°65, 2009. Paysages urbains. pp. 59-69 https://doi.org/10.3406/hista.2009.32888
« Lorsque l’on contemple la série des Ports de France, «atypique » semble être l’adjectif le plus approprié pour qualifier cet ensemble. Atypique projet, en effet, que celui d’envisager la collection de vues de grand format des ports de France, pris sur le motif, par le même peintre, au long d’un itinéraire strictement fixé par le pouvoir royal. Atypique également par l’esprit même dans lequel on demande à Joseph Vernet (1714-1789) de réaliser son œuvre, qui doit, pour citer l’extrait d’une lettre adressée à lui par Marigny, «réunir deux mérites, celui de la beauté pittoresque et celuy de la ressemblance »[…] L’aspect documentaire de ces peintures est évident et d’ailleurs très clairement fixé par un mémoire présenté au roi qui énonce le but de la mission assignée au peintre de marine, à qui l’on enjoint de mettre dans ses tableaux « cette vérité que l’inspection de la chose même pourrait égaler». On comprend pourtant que s’il a pour mission de réaliser des vues exactes des lieux représentés, l’obligation de Vernet de réaliser également des vues plaisantes à regarder risque de contredire le but initial qui lui a été fixé. » Alexandre Cantin
Cantin Alexandre. Les Ports de France (1753-1763) de Joseph Vernet : un regard au service du roi. In: Histoire de l’art, N°65, 2009. Paysages urbains. pp. 59-69 https://doi.org/10.3406/hista.2009.328
« D’emblée est donc posée l’ambiguïté sur laquelle repose ce travail titanesque qui s’étendit sur dix ans, au cours desquels Vernet ne peignit que quinze tableaux sur les vingt-cinq originellement prévus en comptant les vues de baies. » Alexandre Cantin
Cantin Alexandre. Les Ports de France (1753-1763) de Joseph Vernet : un regard au service du roi. In: Histoire de l’art, N°65, 2009. Paysages urbains. pp. 59-69 https://doi.org/10.3406/hista.2009.328
« En 1753 lorsqu’il accepte la commande des Ports de France, Vernet se voit remettre un « Itinéraire » […] très précis, non seulement en ce qui concerne les ports que Vernet doit représenter, mais également eu ce qui concerne le nombre de vues qu’il doit exécuter sur place, les endroits qu’il doit laisser de côté et les scènes qu’il doit depeindre. Ce projet était conçu comme exhaustif, c’est-à-dire comme devant réunir les ports de France déclarés intéressants. […]. L’itinéraire ne se contente pas de fixer les ports qui doivent être représentés puisque Vernet devait également dépeindre quelques scènes typiques (pêches, navires fuyant la tempête, navires échappant aux pirates… ). On lui recommande d’ailleurs de s’inspirer des peintures du « Sieur Rose » Jean-Baptiste II de la Roze, 1696-1740) pour ses vues de Marseille, et des « desseins et gravures du sieur Ozanne, dessinateur de la Marine », pour Brest. On comprend à la lecture de ce document que le but de cette commande est de donner une image exacte, certes, mais positive des ports du royaume. » Alexandre Cantin
Cantin Alexandre. Les Ports de France (1753-1763) de Joseph Vernet : un regard au service du roi. In: Histoire de l’art, N°65, 2009. Paysages urbains. pp. 59-69 https://doi.org/10.3406/hista.2009.328
« Le rédacteur du projet demande également à Vernet d’agrémenter ses peintures de scènes navales. […] on recommande à Vernet d’intégrer dans ses tableaux des scènes donnant un effet pittoresque évident et plus particulièrement des scènes de tempêtes ou des combats au large avec des embarcations barbaresques […]. Sans doute Vernet est-il censé rendre ses tableaux plus attrayants en y introduisant des éléments relevant du sentiment de Sublime, qui sera plus tard théorisé par Burke. On voit donc que pour produire un tableau à la fois exact topographiquement et pittoresque, Vernet est obligé de prendre quelques libertés avec ce qu’il a vu sur place […]. La commande passée à Vernet a bien entendu pour but de présenter les ports français sous leur meilleur jour, et notamment de laisser croire à une grande navigabilité des ports français. […] L’itinéraire fixé à Vernet résume donc bien à lui seul l’ambiguïté de la tâche qui lui a été assignée, mélange de représentation exhaustive et d’enjolivements souhaités afin de rendre ces peintures attrayantes, donnant une version flatteuse de la réalité. » Alexandre Cantin
Cantin Alexandre. Les Ports de France (1753-1763) de Joseph Vernet : un regard au service du roi. In: Histoire de l’art, N°65, 2009. Paysages urbains. pp. 59-69 https://doi.org/10.3406/hista.2009.328
« Vernet [est] tenu de livrer au roi des vues exactes, comme requis dès le début de sa mission, mais flatteuses, car il s’agit ici d’illustrer le renouveau de la puissance maritime française et d’oublier le conflit en cours, tout en devant présenter, de surcroît, des tableaux agréables à regarder. Pour ce faire il n’hésite pas à peupler ses vues de scènes pittoresques, parfois stéréotypées, tirant sur le cocasse. » Alexandre Cantin
Cantin Alexandre. Les Ports de France (1753-1763) de Joseph Vernet : un regard au service du roi. In: Histoire de l’art, N°65, 2009. Paysages urbains. pp. 59-69 https://doi.org/10.3406/hista.2009.328
« L’exactitude topographique est sans doute la raison d’être primordiale de ce projet qui pousse Vernet à ne reculer devant aucun moyen. Dès son arrivée sur les lieux, il se fait montrer les plans, prend des dimensions, lève des plans et au besoin, sollicite l’avis des notabilités locales, et plus particulièrement celui du gouverneur de la ville. » Alexandre Cantin
Cantin Alexandre. Les Ports de France (1753-1763) de Joseph Vernet : un regard au service du roi. In: Histoire de l’art, N°65, 2009. Paysages urbains. pp. 59-69 https://doi.org/10.3406/hista.2009.328
« Cette exactitude ne concerne pas que les lieux et la topographie, elle s’applique également aux navires représentés dans les ports qui sont parfaitement identifiables. » Alexandre Cantin
Cantin Alexandre. Les Ports de France (1753-1763) de Joseph Vernet : un regard au service du roi. In: Histoire de l’art, N°65, 2009. Paysages urbains. pp. 59-69 https://doi.org/10.3406/hista.2009.328