GURSKY Andreas, 99 cent, 1999





Andreas GURSKY, 99 cent, 1999, tirage : 5/6, photographie, épreuve couleur sous Diasec, épreuve chromogène, 206,5 x 337 x 5,8 cm (197 x 327 cm hors marge), Paris, Musée national d’art moderne (MNAM).
© Andreas Gursky – © Photographie 1 recadrée et retouchée (luminosité et couleurs) 2 et 3 (détails) de Thomas Hawk sous licence CC BY-NC 2.0 – Photographie 4 (détail) recadrée et retouchée (luminosité et couleurs) de Thomas Hawk sous licence CC BY-NC 2.0 – Photographie 5 de Thomas Nemeskeri sous licence CC BY-NC-ND 2.0
« L’intérieur d’un supermarché américain, dans lequel tout est proposé au prix unique de 99 ¢, est prétexte à restituer la profusion des petites surfaces colorées des produits bien alignés dans un parfait ordonnancement au chatoiement exceptionnel. La succession des rayonnages, tel un déferlement, donne une dimension vertigineuse à l’image, que vient renforcer le reflet au plafond des étalages. C’est dans un second temps qu’émergent les figures des clients du magasin, que la profusion des emballages semblait avoir englouties. On peut lire ici toute l’ambiguïté de la présence de l’homme chez Gursky, présence qui, lorsqu’elle n’est pas en tant que foule, multitude ou rassemblement, le sujet de l’œuvre – où elle est tout aussi instrumentalisée –, sert d’indicateur d’échelle plutôt que de support à une narration. » Sophie Duplaix
Catalogue Collection art contemporain – La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007 https://www.centrepompidou.fr/en/ressources/oeuvre/LcXHBpW
« L’image présentée relève d’une hyperréalité. Bien qu’elle soit ancrée dans la réalité, elle est en quelque sorte plus que réelle ; elle est familière et pourtant il n’y a pas d’espace réel qui lui soit semblable. En créant de telles représentations de notre vie quotidienne – du magasin à un dollar au terrain de football, en passant par le paysage urbain – les photographies de Gursky agissent comme des symboles de la vie contemporaine. »
https://www.thebroad.org/art/andreas-gursky/99-cent (traduction Clément Chervier)
« Le spectateur doit accepter les qualités artificielles (inconnues) de la scène au sein d’une captation apparemment objective de notre monde. »
https://www.thebroad.org/art/andreas-gursky (traduction Clément Chervier)
« Comme dans l’univers de la publicité, la réalité n’a ici plus aucun droit […]. Le réel peut être transformé à souhait, mais à condition que cela ne se voit pas, et que le produit présenté nous paraisse crédible … Nous sommes donc aux antipodes de la démarche objective des Becher ; Gursky ne garde de ses professeurs que l’esthétique apparemment informative et descriptive du sujet […]. Comme le souligne […] Alva Noë, « la photographie 99 Cents présente une vue du magasin complètement artificielle. Nous n’expérimentons jamais autant de détails, pas autant que cela ». » Nadi Tritarelli
http://arts-plastiques.ac-besancon.fr/?p=14349
« La notion de documentaire est auréolée d’un grand malentendu, puisque la réalité ne peut être restituée à l’échelle de la photographie. La photo permet de restituer une réalité qu’on ne perçoit pas à l’œil nu. » Andreas Gursky
Entretien avec Michel Guerrin, 2002 – https://www.centrepompidou.fr/fileadmin/user_upload/Un_podcast__une_oeuvre_-_Art_et_Consommation_-_Ep._5_Andreas_Gursky_-_transcription_.pdf
« [Andreas Gursky] procède […] à des retouches sur ses clichés, en saturant les couleurs des produits dans les rayonnages et en ajoutant un reflet au plafond (une façon, cette fois, de saturer l’espace). Afin de réaliser ces images, [il] utilise des manipulations informatiques : assemblage de plusieurs photos, retouches … Pour la plupart, ses photos sont « pensées » à l’avance, c’est un travail de composition comme un peintre avec sa toile. » Nadi Tritarelli
http://arts-plastiques.ac-besancon.fr/?p=14349
« Capturant des scènes contenant d’énormes quantités d’informations visuelles, Gursky améliore et ajuste subtilement la composition de ses photographies, permettant aux spectateurs de mieux assimiler et appréhender ce qui serait impossible avec leurs seuls yeux. 99 Cent est un exemple frappant du processus d’altération des images réalisé par Gursky en vue d’obtenir un effet totalisant. Des modifications telles que la disposition des rayons du magasin et l’ajout d’un plafond en miroir ont pour effet d’aplanir cette image emblématique. Le spectacle de la consommation apparaît composé de manière organisée, rigoureuse et formelle.
https://www.thebroad.org/art/andreas-gursky/99-cent (traduction Clément Chervier)
« 99 Cent […] est le fruit d’un assemblage de plusieurs photographies de différents magasins, augmentant de ce fait la surface du lieu, dont [on] a presque du mal à [percevoir] le fond. S’ajoute à cela des créations de toutes pièces, comme les colonnes blanches et le plafond reflétant les rayons. Gursky a également retouché les couleurs des produits, en les saturant afin de donner une esthétique pop à l’image. Le photographe utilise la technique du Diasec : une fine couche de résine acrylique est appliquée sur la photographie. Ce procédé préserve les couleurs de la photographie dans la durée et [met en avant les contrastes et les détails]. » Nadi Tritarelli
http://arts-plastiques.ac-besancon.fr/?p=14349
« L’artiste, qui s’est d’abord rêvé peintre, s’est toujours bien plus intéressé à l’ordonnancement des objets dans l’espace, à l’organisation interne d’une image, qu’à la réalité qu’elle recouvre. D’où les innombrables retouches, qui font basculer les oeuvres dans artifice. » Claire Guillot
Article « Andreas Gursky, l’art de la retouche », Le Monde, 9 novembre 2012
« L’œuvre est d’emblée impressionnante par son format monumental inhabituel pour une photographie, le spectateur est immergé dans le spectacle de la consommation mais malgré la netteté et l’évidence apparente de l’image, Gursky instaure un doute et multiplie les paradoxes : quelle est la part de démarche documentaire, d’objectivité d’un cote et de l’autre, d’artifice, de retouches dans cet enregistrement du réel ? Le photographe […] définit avec méticulosité les milliers de détails qui […] composent [l’image]. [Elle] offre une définition impossible a percevoir par l’œil humain ni par l’objectif photographique quand il veut embrasser un champ visuel aussi vaste (la focalisation génère des phénomènes de flou dans la périphérie qui échappe à la mise au point). La construction de l’image est particulièrement rigoureuse avec ce contraste entres les horizontales et les verticales qui la soulignent et son ordonnancement symétrique mais l’œil du spectateur ne peut se fixer dans cette profusion et ce chatoiement, une sensation de vertige le gagne face à ce « all-over », cette accumulation d’informations. Enfin, le spectateur peut avoir l’impression de contempler une peinture tant le chromatisme de l’œuvre est exacerbé, on perçoit en priorité une trame polychrome vibratile avant de pouvoir identifier les produits. De plus, l’espace joue sur une ambiguïté dans sa perception : la saturation des couleurs, la frontalité du point de vue et la répétition infinie viennent parasiter la lecture perspective de l’espace et l’assimilent à l’aplat pictural. Les peintres hyperréalistes nous avaient confrontés à l’illusionnisme photographique, on peut considérer que la démarche est ici inversée. » Nadi Tritarelli
« Le recul du point de vue instauré par Gursky interroge la place même de l’individu au sein d’une communauté qui se veut non seulement plurielle, mais surtout exponentielle. Cela fait écho à la mondialisation et au principe du consumérisme dans lequel l’individu est exposé a l’accroissement de la quantité de produits, augmentant son choix, et ainsi ses achats à des prix toujours plus intéressants (99 cents). Par opposition, les humains sont [pour la plupart] de dos, baissant la tête vers les rayons et sont tous vêtus en noir ou en blanc. […].[Ils] sont écrasés par la vue plongeante et ne sont [pour l’essentiel] que des [silhouettes anonymes] qui errent au milieu de cette multitude de produits et de marques. » Julien Verhaeghe, critique et commissaire d’exposition indépendant.
http://arts-plastiques.ac-besancon.fr/?p=14349
« Gursky parcourt le monde à la recherche de sujets qui illustrent nos sociétés modernes en mettant en avant les rapports d’échelles entre les hommes et l’architecture, les phénomènes de foules ou encore la mondialisation. [A travers 99 cent Gursky nous propose] une vue panoramique des rayons d’un supermarché américain. Il combine l’infiniment grand (le hall du supermarché) et l’infiniment petit (les milliers d’articles des étalages). » Nadi Tritarelli
« Le photographe allemand Andreas Gursky se joue de notre perception et immortalise les rayons colorés d’un supermarché lowcost, où tout se vend à 99 cents, dans l’Amérique des années 1990. Désirer plus que ce que l’on a, acheter plus que ce que l’on désire : un portrait de notre société ? »
https://www.centrepompidou.fr/fr/podcasts/un-podcast-une-oeuvre/art-et-consommation
« La critique sociale, c’est à vous de la voir. Mon intérêt principal est de faire des images. » Andreas Gursky
Article « Andreas Gursky, l’art de la retouche », Le Monde, 9 novembre 2012
« On peut lire beaucoup de choses dans mes tableaux, il y a beaucoup d’informations. Mais je ne me prononce pas directement, sauf dans le choix des thèmes. Je laisse interpréter, même s’il existe des phénomènes que je montre et que je déteste. Mon travail est plus une réflexion sur l’identité des lieux. » Andréas Gursky
Réponse à la question de Michel Guerrin : « Ces signes contemporains, vous les critiquez ? » Andreas Gursky, le grand spectacle de la banalité, article publié le 22 février 2002, Journal le Monde
[Nous pouvons interpréter son œuvre comme une critique de] la société de consommation, lieu où le client vient assouvir ses pulsions dépensières. Le supermarché [est alors un] lieu où l’homme devient […] esclave de la société de consommation sans que ce dernier en prenne conscience. » Julien Verhaeghe, critique et commissaire d’exposition indépendant.
Ressources :
Courte vidéo présentant l’oeuvre, la démarche de l’artiste et ses intentions (point de vue panoramique, manipulation des images, processus de création, numérique, œuvre / spectateur, œuvre / société métaphore…) : https://www.centrepompidou.fr/en/ressources/media/VTyp4LY
Podcast (d’environ 24 minutes) présentant l’oeuvre, la démarche de l’artiste et ses intentions (symbole, dimension critique, processus de création, numérique, espace, infini, art / consommation…) :
Écriture et réalisation : Lydie Mushamalirwa Habillage musical : Nawel Ben Kraiem et Nassim Kouti Lectures : Yuni Nahum, Olivier Martinaud Extraits musicaux : Coloris, Milk Coffee and Sugar, Juliette Armanet https://shows.acast.com/5c9e34e6e81c98457cad4a32/5c9e3607fe324a2e6beba438