MATHEVET Frédéric, Baras

Frédéric Mathevet, Baras, 2022, installation sonore, malle métallique, haut-parleur.
© Frédéric Mathevet © Clément Chervier (photographie sous licence CC BY-NC 2.0), vue de l’exposition “ Si je tends le bras, j’arrive exactement là où mon bras arrive ” à la galerie Art Espace Senlis (du 22 au 25/02/2022).
Après avoir répondu à une commande pour la réalisation d’un documentaire sonore (31 minutes) sur le collectif des Baras, Frédéric Mathevet va réinvestir et transformer cette matière sonore au sein de plusieurs productions plastiques sonores (installation, performance…). Parmi celles-ci, Frédéric Mathevet crée en 2022 l’installation sonore Baras, à l’occasion de l’exposition personnelle qui lui est consacrée à la galerie Art Espace Senlis.
Cette œuvre comme d’autres réalisées par Frédéric Mathevet est consacrée au collectif baras mais ici, la diffusion du son basé sur les captations sonores des moments clés de la vie du collectif, évoque explicitement la difficulté pour le collectif à se faire entendre. En effet, un haut-parleur situé à l’intérieur de la malle utilise ce contenant en métal comme caisse de résonnance et provoque l’altération du son partiellement étouffé. Ce dispositif rend donc volontairement difficilement audible à distance les propos du collectif, amenant ainsi le spectateur à être au plus près de la malle et de la source sonore.
« Les 1 077 120 minutes (de la naissance du collectif à la fête de soutien prévue le 18 mars 2016) ont été ainsi rabattues sur 20 minutes, et tous les événements importants de l’histoire des Baras, les différents procès, les expulsions musclées, mais aussi les fêtes de soutien et les manifestations, ont pu trouver une place et une durée (au prorata) dans chacune des 5 parties. Conséquemment, chaque partie porte les noms des lieux du squat et sa durée correspond au temps d’occupation du collectif jusqu’à son expulsion. Chaque événement sonore à l’intérieur de ces durées, chaque variation, correspond à un événement de la vie du collectif.
J’ai donc transformé la narration plus ou moins précise du collectif en surface d’inscription temporelle avec des moments de montage précis. Or, se posaient deux problèmes qui, me semble-t-il, sont complémentaires : où poser son micro quand on suit un tel événement, et comment penser les moments de rupture du montage ? »
Frédéric Mathevet
https://mathevetfrederic.bandcamp.com/album/baras
Ressource :
Retranscription des propos du collectif Baras à Montreuil-sous-Bois.
« Nous sommes des migrants originaires de l’Afrique de l’Ouest et centrale et, pour la plupart, nous vivions en Libye depuis de nombreuses années… puis la guerre nous a forcé à partir. Aujourd’hui, nous sommes en France pour travailler et nous demandons au préfet de nous régulariser au plus vite ! Les critères imposés par la loi sont beaucoup trop restrictifs sur la régularisation par le travail. Pourtant la plupart des membres du collectif peuvent attester d’une promesse d’embauche et, même souvent, du soutien d’un employeur. Nettoyage, bâtiment, gardiennage, restauration… tous ces secteurs nous exploitent, car nous n’avons actuellement pas de statut. Pour mettre fin à cela, il faut obtenir la régularisation de tous les sans-papiers ! Le Collectif Baras, mot qui signifie “travailleurs” en bambara, est tout autant déterminé à obtenir un toit pour l’ensemble de ses membres. Un squat comme le nôtre n’est pas une solution idéale, c’est une solution par défaut, pour répondre à l’urgence de la situation ! Nous demandons aux autorités de ne pas nous expulser de notre lieu de vie situé au 72 rue René Alazard à Bagnolet – ni celui de nos camarades qui ont obtenu un hébergement provisoire dans des foyers Adoma. Nous avons essayé de trouver d’autres logements, en faisant des demandes officielles qui n’ont rien donné, et en occupant des bâtiments vides, mais à chaque fois, la préfecture nous en a expulsés. » Collectif Baras
https://mathevetfrederic.bandcamp.com/album/baras
Problématiques
En quoi une œuvre permet-elle d’engager une réflexion sur la société ?
En quoi une œuvre peut-elle concilier démarche plastique et engagement politique ?
En quoi le son peut-il constituer un matériau plastique ?
En quoi une œuvre peut-elle susciter une réflexion sur les choix politiques et leur incidence sur la société ?
En quoi une œuvre peut-elle à la fois provoquer une expérience sensible individuelle et une réflexion sur la société ?
En quoi une œuvre peut-elle à la fois susciter une expérience sensible et engager une démarche intellectuelle ?
En quoi une œuvre peut-elle à la fois proposer une transformation et une révélation du réel ?
En quoi une œuvre peut-elle mettre en œuvre une altération du réel pour permettre sa révélation ?
En quoi une œuvre peut-elle mettre abyme le processus de création ?
En quoi une œuvre permet-elle d’engager une réflexion sur la vie ?
En quoi une œuvre peut-elle avoir pour sujet (et non pas seulement comme moyen) la transformation de la matière ?
En quoi une œuvre permet-elle d’engager un recul réflexif et d’obtenir une meilleure compréhension de la société ?
En quoi les dispositifs plastiques et de présentation de l’œuvre permettent-ils l’accentuation de sa perception sensible ?
En quoi une œuvre permet-elle d’engager une confrontation avec le domaine politique ?
Dans quelle mesure une intention artistique peut-elle être mise au service d’une lutte sociale ?